Habiter le monde
"Orientations" est une proposition artistique collective qui explore un paysage multiple et fantasmé par le biais de la photographie, de la cartographie et des mots. Comment s'approprier un espace et y vivre en harmonie avec l'environnement qui l'entoure ? Habiter c'est se sentir chez soi, mais exister c'est aussi « sortir de chez soi ». Les appartenances sont mouvantes et plurielles et il n'est pas toujours aisé d'endosser différentes strates d'habitations, de composer sa manière de vivre et d'être au monde à partir des différents legs et projections qui sont les nôtres. Se situer « à la croisée des chemins », c'est vivre dans tel endroit en présence d'autres lieux qui l'habitent.
Delphine Tambourindeguy
© Artothèque les arts au mur
Delphine Tambourindeguy
Orientations
Centre social de La Chataigneraie
Cartes, plans, tampons, photographies...mais que réserve Delphine Tambourindeguy au centre social ? Accueillis par les multiples outils de l'artiste, les participants découvrent avec curiosité leur nouvel espace de création. Parmi les objets, une grande carte posée à plat, siège sur une table et attire l'attention. Si on commence à y regarder de plus près, à découvrir les noms des rues et des avenues, on ne tarde pas à identifier les lieux : il s'agit bien de la carte du quartier. La "table d'orientation fantasmée" (la table d'orientation, soit la forme construite après, à partir de leur alphabet commun et des annotations sur la carte et qui sera exposée ) comme le décrit l'artiste, accompagne ses participants au-delà de ses frontières et par delà les murs du centre. Elle invite à penser l'espace, à situer les environs, à faire appel aux souvenirs. "Habiter" le monde implique d'y exister et d'y vivre. Ainsi, un premier travail d'annotations s'entreprend : l'artiste invite notre groupe à partager leur lieu de naissance, leur foyer et leur destination rêvée. Composer avec le passé, le présent et le futur permet de localiser et tracer les lieux de vie mais aussi d'assoir son identité à travers ses origines et ses ambitions. On entre ainsi dans un double langage, à la fois géographique et psychologique.
Dès lors que les lieux s'inscrivent et que la carte se remplit des précieuses informations, Delphine met en place l'atelier gravure pour fabriquer un alphabet commun sur des tampons. Exister dans le monde signifie aussi y avoir une identité, les lettres et les mots font partie intégrante de notre langage. A l'aide de gouges et de lames adaptées, nos participants s'emparent des plaques en vinyle et dessinent leurs premières lettres. On peaufine, on creuse la matière, on gratte les reliefs, on délimite les formes, on précise la ligne. Attentive, Delphine guide leurs mains et accompagne leurs chantiers. Les premiers tests ne tardent pas à suivre : on encre les tampons et on inscrit manuellement les premiers mots, les premiers noms…
Mais alors que reste t'il à réaliser après avoir terminé l'alphabet ? Et que sont ses mystérieuses boites alignées sur le plan de travail ? L'atelier sténopé* peut enfin commencer ! Emparons-nous de nos petites cameras obscura artisanales, vérifions que la lumière ne s'y infiltre pas, et sortons hors les murs...De bonne humeur, et sous un lumineux soleil, notre groupe part à la recherche de points de vue saisissants situé aux points d'entrée / sortie du quartier afin d'expérimenter le nouveau médium. Les différentes et variées prises de vues enrichissent le premier travail cartographique : on s'approprie l'espace, on le scrute, on l'archive. Chacun se met en déplacement, s'approprie un espace, paramètre son territoire. Une fois le lieu choisi, l'opération peut se lancer : on saisit durant quelques secondes le paysage et on retourne au laboratoire improvisé révéler les images.
Découvrir les rendus en patientant devant les différents bains photographiques attise une curiosité nouvelle. Le quartier et ses environs n'ont plus de secrets. Ils se révèlent et livrent leurs secrets. Mettre son corps en action permet d'enregistrer de précieuses informations et de participer à la conquête du territoire. A travers les révélations d'images, les tampons et la carte, le monde (et à leur échelle, le quartier) dévoile ses particularités et ses aspérités.
*Le sténopé est un dispositif photographique simple issu de la camera obscura et permettant d'obtenir des images inversées et en négatif dialoguant directement avec la notion « dedans / dehors » convoquée.